
Nous allons parler d’un «héros», alors pas un héros au sens superman du terme, notre ambulancier ne vole pas, n’est pas habillé en collant et n’est pas affecté par la kryptonite mais bien un héros de chaque jour qui a décidé de ne pas se laisser écraser et qui a, pas sa pugnacité, permis de faire établir qu’une ambulance privée missionnée par le 15 est prioritaire sur la Route.
Vous connaissez tous l’article R311-1 alinéa 6.5 du code de la route, ce fameux article tellement mal rédigé, ou du moins tellement mal rédigé pour notre époque, car il faut admettre que les ambulances privées n’ont pas toujours participé activement au secours à personne comme l’on peut l’observer aujourd’hui. Avant toute chose il faut, pour comprendre cet article, comprendre la structuration des tribunaux en France, petit encart explicatif.
En France, pour faire simple, il existe trois «niveaux» de tribunaux :
– les tribunaux dit de «première instance» que sont les tribunaux de proximité et de police (contraventions), le tribunal correctionnel (délits) et la Cour d’Assise (Crimes) qui jugent donc le fond et la forme (la culpabilité ou non et l’application de la Loi)
– les tribunaux dit de «première instance» que sont les tribunaux de proximité et de police (contraventions), le tribunal correctionnel (délits) et la Cour d’Assise (Crimes) qui jugent donc le fond et la forme (la culpabilité ou non et l’application de la Loi)
- Les Cours d’appel (se sont les mêmes tribunaux qu’en première instance mais qui rejugent non seulement le fond mais aussi la forme (la culpabilité ou non et l’application de la Loi)
- Et enfin la Cour de Cassation et le Conseil d’état qui ne jugent eux, que l’application de la Loi.
Grosso modo, les Tribunaux de première instance vous jugent, les Cour d’Appel vous rejugent éventuellement (si vous faites appel) et la Cour de Cassation juge les juge, elle est le gardien de la Loi elle ne juge pas le fond mais uniquement la forme, elle a force d’interprétation de la Loi et tous les tribunaux doivent suivre ses décisions au risque d’encourir justement la «cassation» de leur décision (d’où le nom).
Enfin pour finir, il existe plusieurs tribunaux de police et correctionnels par département, une Cour d’Assise par département, une Cour d’Appel par Région et une Cour de Cassation pour toute la France. Maintenant que vous êtes tous des «pros» en matière de connaissance de la répartition des juridictions, revenons donc à notre héros.
Nous sommes le 4 avril 2009 à VENCE (06) Thibault W. est ambulancier, il intervient à la demande du SAMU 06, une intervention non médicalisée, pas en garde, bref un SAMU comme nous les connaissons tous, un SAMU comme nous en faisons tous les jours.
Thibault va effectuer un dépassement sur une ligne blanche, avec ses avertisseurs enclenchés etc, bref la panoplie classique. Ce que Thibault n’a pas prévu, c’est qu’apparemment un véhicule de Gendarmerie arrive en face, et que d’après les Gendarme, la manœuvre les aurait contraint à se déporter pour éviter un choc frontal. Thibault est interpellé et verbalisé pour franchissement de ligne blanche.
Il saisi alors le Tribunal de Proximité de CAGNES SUR MER qui juge le 4 novembre 2010 qu’il est coupable, qu’une ambulance privée n’est en aucun cas prioritaire et que la manœuvre était dangereuse.
Notre ambulancier ne se dégonfle pas, il connaît l’article R311-1 alinéa 6.5 du code de la route et va donc adopter une stratégie avec son avocate, visant à défendre le fait que le véhicule était un VIGP car missionné par le SAMU 06, il va également appuyer le fait que depuis 2007 la Cour d’appel de Limoges a déjà rendu un jugement en ce sens. Il va alors saisir la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE qui va juger le 7 février 2012 que la manœuvre était dangereuse en vertu du PV des Gendarme et qu’une ambulance privée n’est en aucun cas prioritaire, plus grave la Cour d’appel va écarter cet argument tout simplement. (Jugement N° 50/J/2012)
Thibault a déjà dépensé énormément d’argent, bon nombre d’ambulancier auraient déjà abandonné et payé l’amende pour revenir à sa petite vie quotidienne. Notre ambulancier et son avocate veulent frapper un grand coup, pour lui et pour le corps de métier, décident d’aller en Cassation, coûte que coûte, pour que la plus Haute Juridiction Française fasse entendre raison à la justice de manière générale et décide enfin de la façon dont on doit lire le «affecté exclusivement» aux unités mobiles hospitalière.
Le 21 novembre 2012, après plusieurs années de procédure, la juridiction suprême se réunie et étudie le cas de Thibault. Malheureusement pour Thibault, la Cour de Cassation ne juge que la Loi et son application, et non le fond, elle ne peut donc pas juger de la dangerosité de la manœuvre et va donc rejeter le pourvoi de notre ambulancier, la sentence est définitive.
MAIS (oui il y a un mais et de taille) dans ses conclusions, l’arrêt du «gardien de la loi» stipule bien que quand bien même elle ne peut juger du fond, elle décide d’adresser un cinglant coup de marteau à la cour d’appel d’Aix en Provence :
– 1) alors que constituent des véhicules d’intérêt général prioritaires les ambulances qui, à la demande du service d’aide médicale urgente, sont affectés exclusivement à l’intervention des unités mobiles hospitalières ; qu’en énonçant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; (arrêt de la cour de cassation du 21/11/2012 N°12-81219)
BOUM, le couperet tombe, la Cour de Cassation sonne le glas des interprétations douteuses et des «on dit», une Ambulance privée, missionnée par le 15, en garde hors garde, médicalisée ou non médicalisée, est un VIGP.
Thibault, bien que n’ayant pu être innocenté, à fait son «parcours de croix» et a, grâce à lui, à permis de confirmer ce que le Ministère de l’intérieur répète depuis cette décision.
Une ambulance privée est un VIGP lorsqu’elle intervient à la demande du SAMU, tout prenant garde à ne pas bien entendu mettre en danger les autres usagers de la route, elle peut passer outre le code de la route au sens des articles R311-1 et R432-1 du même code.
Gageons d’avoir un jour autant de volonté que Thibault 🙂