Conduire en urgence et ses risques…

« Constitue un transport sanitaire, tout transport d’une personne malade, blessée ou parturiente, pour des raisons de soins ou de diagnostic, sur prescription médicale ou en cas d’urgence médicale, effectué à l’aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet. »

 Définition de « urgence » : « caractère de ce qui est urgent, nécessité d’agir vite, immédiatement, qui ne peut être différé, qui doit être fait, décidé…, sans délai »
D’un point de vue légal, il n’existe aucune définition de ce qui peut être urgent ou pas, car l’urgence s’apprécie au cas par cas.

Vous êtes jeune ambulancier fraichement titulaire du Diplôme d’Etat d’Ambulancier et l’on vous confie pour votre première journée dans une Entreprise de Transports Sanitaires (ETS), une mission SAMU. Avant de partir « sur les chapeaux de roues » vers le domicile de votre première victime, vous devez savoir apprécier les risques que vous encourez pour votre équipage et pour les autres usagers de la route.

1ere règle : « Ne pas confondre vitesse et précipitation »

Il faut avant de partir vous assurer que votre ambulance est parfaitement équipée de tout le matériel obligatoire et nécessaire pour mener à bien votre mission. (Normalement, vous le faites avec votre coéquipier en débutant votre journée).

Analysez bien la demande du SAMU, à savoir, le motif d’appel, son état (si mentionné), son âge et son adresse suffisamment complète pour ne pas perdre du temps à chercher par la suite. La plupart du temps, sur une mission SAMU vous disposez d’un délai pour intervenir dans les temps imposés par la convention entre le SAMU et les sociétés participant à l’aide médicale urgente regroupées en association telles que l’ATSU (Association de Transports et Soins d’Urgence) ou ADRU (Association Départementale de Réponse à l’Urgence).

Vous êtes donc prêts !

Démarrez l’ambulance, allumez vos feux de croisement ! Les feux à éclats, et si vous en avez, les feux de pénétration. Votre évolution sur la route se fait sans encombre, sans embardées ni slaloms entre les voitures si la circulation est fluide. Essayez de garder une vitesse constante qui vous permette de faire face à tous les dangers qui peuvent croiser votre route. Vous devez rester calme et détendu lorsque vous prenez le volant de l’ambulance. Vous gérerez d’autant plus facilement les obstacles qui vont vous ralentir jusqu’à votre destination. Lors de votre conduite, vous devez vous assurer que les autres usagers de la route vous ont vus. Pour le savoir, vous croiserez leur regard dans les rétroviseurs, ils vont enclencher leur clignotant pour vous laisser passer, ils vont accélérer ou freiner brusquement. Dès lors qu’ils ne vous ont pas vus, vous devez alors actionner votre avertisseur sonore deux tons. N’attendez pas d’être sur la voiture pour le faire, le conducteur peut se sentir agressé par le bruit ou très surpris au risque d’une réaction de conduite malheureuse.

Le seul mot d’ordre : An-ti-ci-pez !

Une fois les véhicules dépassés, n’oubliez pas de les remercier par un geste de la main ou à défaut, deux petits coups de feux de détresse. Par cette action, vous les incitez à renouveler leur comportement citoyen.

Très peu d’automobilistes connaissent la réglementation des véhicules d’intérêt général. Voici donc un rappel que vous avez appris (normalement) à l’IFA (Institut de Formation des Ambulanciers).*

Article R311-1 du Code de la Route : Défini les différentes catégories des véhicules

6.4 -Véhicule d’Intérêt Général : Véhicule d’Intérêt Général Prioritaire ou bénéficiant de Facilités de Passage

6.5 -Véhicules d’Intérêt Général Prioritaire : Véhicule des services de Police, de Gendarmerie, des Douanes, de lutte contre les incendies, d’intervention des unités mobiles hospitalières ou, à la demande du Service d’Aide Médicale Urgente, affectés exclusivement à l’intervention de ses unités et du ministère de la justice affecté au transport des détenus ou au rétablissement de l’ordre dans les établissements pénitentiaires.

6.6-Véhicules d’Intérêt Général bénéficiant de Facilités de Passage : Ambulances de transports sanitaires, véhicules d’intervention d’Electricité de France et de Gaz de France, du service de la surveillance de la SNCF, des transports de Fonds de la Banque de France, des associations médicales concourant à la permanence des soins, des médecins lorsqu’ils participent à la garde départementale, des transports de produits sanguins ou d’organes humains, engins de service hivernal et, sur autoroutes ou routes à chaussée séparées, véhicules des services gestionnaires de ces voies.

Une ambulance privée peut donc être considérée comme un VIGP lorsqu’elle est mandatée par le SAMU à condition (Art. R432-1) :

  • D’actionner ses feux bleus (gyrophare ou feux à éclats) et l’avertisseur sonore « deux tons »
  • Ne pas mettre en danger les autres usagers de la route
  • Justifier l’urgence de leur mission.

Sinon, vous êtes juste un véhicule VIGFP, actionner l’avertisseur 3 tons, vous arrêter aux feux tricolores car en cas d’interception par les forces de l’ordre vous aurez beaucoup de mal à justifier une urgence vitale.

Article R415-12

En toutes circonstances, tout conducteur est tenu de céder le passage aux véhicules d’Intérêt Général Prioritaires annonçant leur approche par l’emploi des avertisseurs spéciaux prévus à cet effet.

Vous êtes donc toujours dans le flux de la circulation, sirène à l’approche des intersections, vous ralentissez suffisamment pour que l’on vous voie et vous entende, petit remerciement au passage, dans les longues lignes droites, vous stoppez la sirène ou la mettez en position nuit si vous en êtes équipés.

Il vaut mieux perdre 30 secondes en ayant une conduite souple et régulière qu’une conduite agressive et irrégulière pour arriver à destination. Vous économisez ainsi votre carburant, vos plaquettes de freins, l’usure des pneus et votre stress en arrivant sereinement. De plus, en agissant de la sorte, vous contribuez à la bonne image des ambulanciers.

Vous arrivez enfin sur place, vous êtes dans les temps requis, vous pouvez prendre en charge la détresse de la personne. Pendant le trajet, si vous êtes en binôme parfaitement synchronisé, celui qui ne conduit pas peut éventuellement énumérer les risques de la pathologie pour laquelle vous vous déplacez, la conduite à tenir, les points clés à aborder et les détails à ne pas oublier. Cela renforcera votre image professionnelle auprès des patients qui alors, vous feront davantage confiance pour la suite des opérations. 

Une fois votre bilan passé au SAMU, la personne allongée et sanglée sur le brancard, vous vous apprêtez à vous rendre au service des urgences de l’hôpital ou de la clinique.

Direction les urgences:

Votre conduite vers les urgences sera totalement différente de l’aller ! En effet, une fois le bilan passé, le médecin régulation est informé des constantes et peut déjà se faire une opinion précise de l’état de votre patient. Dans la grande majorité des cas, il ne s’agit pas d’une urgence vitale et vous devrez donc prendre en compte la pathologie et éviter dans la mesure du possible les grosses accélérations, les freinages brusques et des virages à grande vitesse. Parfois, l’usage de la sirène peut augmenter l’angoisse du patient et changer les constantes paramétriques relevées avant le départ. C’est pour cela que vous devez faire un usage mesuré des avertisseurs sonores. Une route de campagne sans gêne à la circulation ne doit pas entendre de sirène…

Un avertisseur sonore activé peut aussi angoisser les automobilistes car beaucoup ne savent pas comment agir lorsqu’ils vous entendent arriver. Ne les serrez pas, cela augmente le stress, laisser un espace suffisant pour leurs laisser une marge de manœuvre soit pour se serrer d’un coté ou de l’autre de la voie de circulation.

En cas de contrôle:

De temps en temps, vous allez croiser les forces de l’ordre. En fonction des hommes, des départements, des directives, vous serez perçus différemment.

  • 1er cas : les FDO vous arrêtent. Très calmement et avec courtoisie, vous leur indiquez que vous êtes en mission SAMU en leur indiquant le N° de dossier, ils vous laissent reprendre votre route en vous recommandant la prudence.
  • 2eme cas : Les FDO vous arrêtent, ne veulent pas entendre vos justificatifs, vous rappelez le Centre 15 qui confirme vos dires. Après un petit rappel à la loi, (symbolique, juste pour dire…) ils vous laissent partir.
  • 3eme cas : Les FDO vous suivent jusqu’aux urgences, vérifient auprès des médecins de l’urgence puis contrôlent toute l’ambulance.
  • 4eme cas : Les FDO vous arrêtent, ne veulent rien savoir et vous verbalisent pour tous les délits constatés (utilisation abusive des feux bleus, de l’avertisseur sonore deux tons, franchissements de ligne blanche, excès de vitesse, non respect de l’arrêt au feu rouge… la liste est longue)

En cas de verbalisation, si vous avez respecté la réglementation des articles R311 et R432, ne signez rien ! Certes, cela va vous entrainer devant le tribunal de Police, mais la loi sera de votre coté.

Voici une liste de jurisprudence allant dans ce sens **:

  • Arrêt de la Cour d’appel de Limoges en date du 07/03/2007
  • Arrêt du tribunal de Police de Dijon, 05/2012
  • Arrêt du tribunal de proximité de St Denis de la Réunion, 04/11/2009
  • Arrêt de la Cour de Cassation : Pourvoi du 21/11/201
  • Arrêt du tribunal de Police de Lyon, 07/11/2013

En résumé :

Sur des missions urgentes, lorsque vous vous déplacez vers la victime que vous ne connaissez pas, il convient de faire vite car souvent le motif d’appel est quelque peu différent de la situation que vous rencontrez sur place. Cela n’enlève en rien la forte recommandation de prudence car votre mission est d’arriver à bon port ! En revanche, une fois le patient à bord vous devez faire preuve d’une grande souplesse de conduite pour éviter l’aggravation de la situation et ainsi éviter de demander un renfort médical.

Pensez à bien allumer vos feux de croisement, les bleus et les pénétrants. Usez de vos droits, mais n’en abusez pas !

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